Cherchez pas Francis, il est pas là ! Lalane c’est le nom d’un village : spécialité : la vannerie... Pas l'art de la vanne (sinon, j'aurais eu mes chances) non, l'art du panier!

Ici pousse une espèce de palmier nommée « Ronier» : ses palmes sont utilisées pour la vannerie, son tronc pour la confection de poutrelles pour les charpentes des cases et piquets de clôtures.

Deux objectifs pour moi aujourd’hui : visiter ce village et ses artisans et rencontrer Philippe, un chanteur-compositeur qui s’accompagne d’une simple calebasse… (il se peut qu’il connaisse des contes m’a dit Emile)…

Nous arrivons dans le village et le décor est magnifique : les palissades des maisons, les toitures des cases sont réalisées avec les palmes du ronier, je trouve qu’ils ont un sens de l’esthétique et de la décoration. Philippe nous accueille chez lui, il nous présente sa famille et nous dit que nous n’avons pas de chance car nous arrivons juste après les fêtes de Pâques : ils ont fait la fête donc ils ne sont pas en grande activité ! (en effet, les fêtes des musulmans sont arrosées de sodas mais pas celles des catholiques ! nous sommes dans un village catholique : donc ils sont en phase de récupération). Il se fait un plaisir de nous guider dans notre visite : nous avons tout de même pu constater leur travail et acheter quelques petits paniers (en oubliant l’encombrement du sac de voyage : je stresserai plus tard).

Nous entrons ensuite dans l’école et nous constatons un fonctionnement de grande qualité. Ce village est parainé par le Rotary club de Bourg en Bresse, qui les a aidés notamment, dans la construction de l’école : le Directeur parvient à assurer une scolarité de qualité : les effectifs sont de 25, 28 enfants par classe. Tout est extrêmement bien structuré : Tout le monde travaille pour que l’école perdure : les élèves sont responsables : ils fabriquent des vanneries les jours de vacances pour aider les parents à payer leur scolarité, les mamans viennent cuisiner et servir les repas dans la cour pour les élèves des bourgs voisins qui ne peuvent rentrer le midi : ici la scolarité est LA priorité : ils en sont fiers : beaucoup ont réussi leurs études et ont des situations tout à fait respectables !

Toujours dans un souci de solidarité, ils ont organisé une mutuelle de santé pour ne laisser personne sans soin : ils sont intelligents et très organisés. Les français qui les parrainent sont en lien très étroits avec eux : magnifique collaboration !

Et puis il nous présente le guérisseur qui est renommé alentour : ils tiennent tous à se soigner selon cette méthode ancestrale, ils le consultent aussi pour les cultures… et moi bien sûr je tiens à rencontrer un sorcier, parce que… aller en Afrique sans voir un sorcier : pas possible!

Nous entrons dans sa case. Je lui dis : « j’ai envie de te consulter ». Emile traduira donc ma demande… Sauf que, je crois que j’en ai pas… je vais très bien ! Qu’est ce que je vais bien pouvoir lui demander ? il me dit « tu prends une pièce de 100 francs et tu chuchotes ta question ». Bon… j’ai chuchoté ce qui m’est venu. Il m’a répondue après avoir fait des petits tas de sable avec la pièce cachée dessous… et il m’a dit entre autre qu’il y avait un voyage qui n’avait pas pu avoir lieu et ben il aura lieu (donc la paix va revenir au Mali !) et puis il a beaucoup parlé : j’étais suspendue aux lèvres de mon traducteur qui a commencé à se lancer dans une explication, me disant qu’il y avait beaucoup de gens qui parlaient de moi et que c’était pas bon (la popularité parfois ça craint !) : bon… voyant mon air étonné, il m’a dit en gros « t’as la poisse » Ha ! Puis le sorcier demande à Emile : « si je lui donne une poudre et que je lui explique un rituel, elle le fera ? » Et bé bien sûr : j’adore ça moi, les rituels ! et puis je crois en la magie donc allons-y… Il a préparé la poudre, je l’ai payé (je sais plus combien, mais 3 fois rien pour moi et beaucoup pour lui, sans doute).

Je raconte pas le rituel parce que c’est secret- sacré mais je vais m’y prêter avec conviction pour me dépoisser ! Dès lundi je m’y colle : Y en a pour 3 jours !

Et puis nous nous sommes installés avec Philippe à l’ombre d’une case ouverte (genre tonnelle en palmier) très agréable : ouf, un peu d’ombre, le soleil m’avait attaquée : j’ai les épaules en cloques ! il nous a offert une gazelle (c’est comme Francis, cherchez pas la gazelle, elle est pas là : c’est une bière !) et lui, il s’est réservé le vin de palme que lui a apporté Emile en cadeau pour son hospitalité ! Il l’a honoré comme il se doit ! Et puis… il était très content de passer la journée avec une artiste (ça se voit de suite que je suis artiste il parait !) donc d’accord pour me transmettre des chants (je ne pense pas que le conte soit sa spécialité : il m’a juste raconté le lièvre et la tortue !) donc les chants c’est comme les contes… il faut les appeler pour qu’ils viennent ! Philippe n’a pas de formule pour appeler les chants… il a… le vin de palme ! Pour faire venir l’inspir, il se sert un verre en disant : « carburant »… Il m’a transmis un 1^er chant (non pas en Wolof mais en Sérère qui est sa langue : encore plus dur à prononcer pour une occidentale : on a bien rigolé pour les sons gutturaux!). Le second chant, je le travaillerai tranquillement chez moi d’après l’enregistrement et les notes prises car le Philippe après son 4^ème litre de carburant était un peu moins articulant !

Il était question que je le paye en argent mais j’ai préféré le payer en conte et puis j’ai chanté à peu près tous mes chants africains venus de partout et de nulle part... Il semblait très intrigué par mon répertoire, il m’a dit avec un grand sourire : « depuis quand tu es artiste ? » j’ai dit « depuis toujours, on né artiste ! ou on est créatif ou on l’est pas» (ouais, y a pas que les africains qui sont capables de poser des vérités comme ça là boum !) : Il a médité là-dessus comme sur les paroles d’un grand sage…Waaaa ! J’ai trouvé notre échange joli, je me suis plus sentie son égale que son élève : j’ai pas du tout senti de sortir un billet (j’aurais aimé lui offrir un truc de ma fabrication : genre sculpture mais je voyage pas avec mes terres…) donc pour le troc, j’ai promis de lui envoyer mes photos.

Nous avons partagé le repas (riz, poisson, légumes : évidemment !) : c’était très bon, encore une fois nous avons constaté l’incroyable générosité du Sénégalais !

C’était assez difficile de partir, Philippe nous aurait bien gardé là jusqu’à la nuit tombée ! Bien sûr il souhaite que je revienne le voir (si Dieu le veut ! mais ça m’étonnerai qu’il veuille…)

Merci Philippe, dans mes contes je chanterai Sérère et je penserai à toi !

Encore une belle journée !

Ce village m'a tellement séduite que j'ai rêvé d'y construire une case un jour... J'y suis donc retournée quelques jours plus tard (Dieu existerait-il?) pour en parler à Philippe (qui est en train de se voir confier la fonction de chef du village)... il considère la question et pour savoir si je suis à la hauteur de mon rêve, me fait passer l'épreuve du sorcier (sans me prévenir)... En effet, ce village est en 2 partie, la 2ème ne m'a pas été présentée le 1er jour : elle est située de l'autre coté de la "forêt" de baobab et elle habrite un vieux sorcier (renommé dans tout le pays) et son unique fils qui assure sa relève. L'épreuve consiste donc à me faire passer devant le sorcier fils en lui soumettant mon souhait... Lorsqu'il a posé ses yeux sur moi, j'ai cru défaillir et je lui ai dit en mettant ma main devant ses yeux : "Stop! arrête! j'aime bien qu'on frappe avant d'entrer!" mais c'était trop tard il avait visité mon dedans dans tous ses recoins et j'ai vraiment pas trouvé ça cool! Il m'a dit : "c'est vrai, j'ai cherché à entrer pour voir... tu l'a senti! tu es une sorcière!".... Pfff! j'étais en colère... ils m'ont laissé gesticuler mon désaccord et il a dit à Philippe : "c'est bon : son projet se fera!"... En repartant, comprenant qu'ils s'étaient joués de moi, j'ai traité Emile et Philippe de tous les noms d'oiseaux que je connaissais (et j'en connais beaucoup!) de m'avoir fait ce coup-là sans me prévenir, je me suis sentie "violée"! Philippe en riant m'a dit : "viens, je vais te parler tes terres à bâtir et de leur octroi"...

Voilà, peut-être un jour j'irai en vacances au Sénégal dans ma case à Lalane!

Avant de partir la maman de Philippe m'a serrée dans ses bras me disant à quel point elle était heureuse de mon retour parce que grâce à moi elle avait entendu chanter son fils qui ne chantait plus depuis quelques temps... Me disant que malgré ses rhumatismes elle avait eu envie de danser!

Son étreinte était douce! je n'ai pas retenu mes larmes.

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