La boutique de Ndoye: une cabane ouverte sur la rue,

Son atelier : le bord de la rue (au soleil, qui pour eux n’est pas bien méchant en cette saison).

Ses outils : une scie, une hachette (je ne connais pas le nom exact), une lime et une espèce de racloir pour affiner les évidages… C’est à peu près tout il me semble.

Quand on voit ses œuvres et qu’on constate la précarité de son matériel, on se dit que ça relève de la magie… Et puis lorsqu’on les regarde travailler, son frère et lui, on comprend ce que veut dire talent !

Je suis venue le voir pour lui faire confectionner un Bombolong : tambour à lames (et peut-être 2, pour pas que Mr mon musicien soit jaloux). J’ai passé une partie de la matinée à les regarder travailler. Par chance il y avait là un ami de Ndoye, artisan bijoutier de son état mais qui ne travaille pas en ce moment qui parle bien le français et qui s’est fait un plaisir de jouer les interprètes. (je suis, jusqu’à mardi, sans Emile, qui est en famille pour les fêtes de pâques).

Ndoye était en train de se fabriquer un nouvel instrument de travail (sa hachette était cassée), tandis que son frère sciait un tronçon de bois rouge (ils travaillent surtout ce bois-là, je n’en connais pas bien le nom, ils me l'ont dit mais il est imprononçable donc je ne m'hasarderai pas à l'écrire) dans le but probablement de sculpter un djembé. Je le regarde faire et je suis impressionnée de sa rapidité d’exécution. Une fois l’écorce retirée, il s’aperçoit que le bois, à un endroit, est gâté, il ne conviendra pas pour un djembé : il va donc le transformer en mortier ! 1h30 plus tard le mortier était terminé ! Je décide de le réserver (en commençant sincèrement à stresser car mes bagages ne doivent pas excéder 25kg !) : faudra délester ! Je donne un acompte pour mon instrument, pour lui permettre d’acheter le bois : il travaille à la demande. Je ne pense pas qu’il ait les moyens de sculpter à l’avance. Quelques masques sont exposés dans sa cabane pour inviter les rares touristes à le rencontrer mais son quotidien c’est plutôt les djembés, les outils et tout autre objet en bois : il suffit de lui expliquer ce qu’on veut et il sculpte. Vu sa finesse et sa dextérité, je ne pense pas qu’il refuse beaucoup de commandes.

L’ami (dont j’ai lamentablement oublié le prénom, j’ai envie de l’appeler « Entouka » car il ponctue toutes ses phrases de cette expression-là : c’est très drôle), après s’être renseigné sur mon statut marital, me propose de revenir l’après-midi prendre le thé avec eux. Je dis « peut-être » : un des objectifs du séjour étant de ne rien prévoir…

De toutes façons, je repasserai régulièrement pour constater l’évolution de la fabrication de mon instrument et faire des photos (et même une initiation à la sculpture sur bois sous la conduite de Cheikh, le sympathique petit frère).

J’y suis repassée le lendemain matin car j’avais décidé de partir à la plage à pied (5km) d’abord parce que j’aime marcher et ensuite pour rencontrer les quelques baobabs du bord de la route, j’avais envie de gouter la solitude du bord de l’océan, manger à l’impro là où mangent les pêcheurs… bref, m’émanciper un peu quoi…

l’atelier de N’Doye est sur la route de la plage… Il n’avait pas commencé mon instrument (je lui avait dit que je n’étais pas pressée), il était en train de fabriquer des boucles de ceinture.

Entouka était là, il me dit : « je t’ai attendue hier pour le thé » : ha oui ? désolée mais j’ai fait autre chose : (la sieste !).

« Où vas-tu avec ton sac à dos? »

« A la plage »

« Je t’accompagne, tu as besoin d’un interprète ! »

« Non mais j’y vais à pied et je vais flâner une partie de la journée …»

« Oui ! je viens ! ».

Comprenant que mes arguments ne feraient pas le poids, je n’ai pas plus résisté, d’autant qu’il n’avait pas du tout l’air malintentionné !

Ici c’est comme ça, difficile de rester seul… Y a toujours quelqu’un qui souhaite t’accompagner. Quelqu’un pour qui le temps n’existe pas, ou tout simplement, qui va savoir le suspendre : bref, un sénégalais !

Aventure à 2 donc ! Je me ferai un farniente bord de mer plus tard (à Palavas !)

Les discutions ont été riches bien sûr… Je lui ai brièvement expliqué une facette du système français : le fonctionnement économique : les banques, les administrations, les taxes, les impôts… et le capitalisme, il ne connaissait rien de tout ça (je lui ai dit aussi qu’il n’existait pas encore une machine qu’on actionne en appuyant sur un bouton pour obtenir de l’argent et que par conséquent Toubab n’était pas forcément synonyme de riche), et puis je suis partie dans un descriptif complet du sport d’hiver (ceux qui me connaissent savent que c’est ma spécialité ! tout comme l’économie d’ailleurs !) : la neige, les remontées mécaniques, ce que ça coûte : c’était drôle. Je lui ai ensuite chanté mes chansons africaines, pour qu’il me dise si je chante Wolof sans le savoir (non, je ne chante pas Wolof mais ça ne saurait tarder). En échange il m’en a un peu plus appris sur le fonctionnement africain : c’était bien évidemment très intéressant ! Il veut m’emmener dans son village, il a une femme et une petite fille de 3 ans : je n’ai pas dit oui, c’est comme pour le thé : nous verrons.

Nous avons mangé dans ce qu’on appelle ici un restaurent : c'est-à-dire une famille qui cuisine le classique poisson riz légumes pour 500 francs CFA (80 cts d’Euro).

Entouka louchait sur mes chaussures de rando (très exotiques ici mais marcher 5km en tongs : non merci !), que j’ai posées pour m’acheter ces indispensables tongs plastiques made in china, pour la plage : « quand tu repars en France, tu me les laisses ! » : ok, bonne idée pour le délestage !… la question de la pointure semble accessoire (mais, vu mes mensurations : il a bien observé que je ne chaussais pas un 36 fillette !).

Je l’ai laissé en fin d’après-midi là où je l’avais rencontré en imposant : « je te laisse là, je vais passer du temps au cyber » (sans quoi il me collait jusqu’à la maison et la solitaire que je suis en avait son compte de collage) : j’ai compris le mode de communication africain : toujours affirmatif, la forme interrogative n’existe pas trop : il faut être ferme, annoncer clairement ses choix sinon tu te fais gratter ! J’apprends…

Il a dit Ok et je suis partie.

Album photos ici